Ne pas revivre 93
RAYMOND DOMENECH, cette liste a-t-elle été plus facile à établir ? R.D. : Ça n'est jamais facile de faire une liste. On réfléchit toujours à toutes les possibilités, les situations... et il faut surtout écarter du monde. Il y a de nombreux joueurs qui ne sont pas là. Faire une liste, ça reste un moment important dans la vie d'un sélectionneur. Ça n'est jamais anodin. Donc elle a été aussi complexe que les précédentes. Zinedine Zidane sera donc bien présent. Vous pensez qu'il aura besoin de minutes de jeu avec le Real Madrid, ce week-end ? R.D. : Ce ne sont pas vraiment des minutes de jeu. Il faut surtout qu'il soit indemne et qu'il n'ait plus mal pour jouer normalement. Mon seul soucis, c'est qu'il ne se reblesse pas dans les quelque jours qui arrivent. Il est sur la liste et il sera présent lundi. Il faudra être au top pour jouer contre la Suisse mais ça ne m'inquiète pas outre mesure. Bien sûr, ce serait gênant s'il ne jouait pas ce week-end. En tout cas, il ne cesse de démontrer son envie de disputer ces deux matches... R.D. : Oui, c'est nécessaire. Mais c'est un message qui doit être repris par tout le monde. Je l'entends partout. Les joueurs sont des compétiteurs, ils sentent la fin d'un cycle où il y a quelque chose à jouer ou à gagner. Tout le monde se mobilise réellement. Il y a une vraie prise de conscience de l'importance de ces événements. De la part de Zidane, mais aussi des autres. Le retour de Peguy Luyindula, c'est tout de même une petite surprise ? R.D. : Ça n'est pas une surprise ! Thierry Henry est blessé. Il nous fallait un attaquant et en plus qui marque. Il a fait partie du début de l'aventure. Pour moi, il avait même été assez satisfaisant à l'époque. Ensuite, il a eu des difficultés dans son club mais il revient bien. Il a marqué lors des trois derniers matches de championnat. Tant mieux, ça fait un attaquant supplémentaire qui peut être performant. J'en ai déjà 21 à ma disposition. Il faudra peut-être encore plus pour aller plus loin. Comme je l'ai toujours dit : "Montrez que vous êtes bien et peut-être que les portes s'ouvriront". Thierry Henry sera forfait mais vous récupérez un David Trezeguet en grande forme. C'est bonne nouvelle, non ? R.D. : Il est sur la liste mais il y a encore un match dimanche. Donc j'attends. Je suis très prudent de ce côté-là. Je suis évidemment très content que David soit là. On est tous satisfaits de voir des attaquants de haut niveau en équipe de France. David a du talent. C'est quand même le meilleur buteur de l'équipe de France en activité. C'est intéressant. Mais, tant qu'ils ne sont pas arrivés lundi, je me méfie. Vous avez également appelé Willy Sagnol alors qu'il sera suspendu face à la Suisse. Cela veut dire qu'il est désormais un des cadres de cette équipe ? R.D. : Non. Ça veut dire qu'il y a deux matches et qu'il peut être présent pour le match suivant face à Chypre. C'est déjà arrivé, on l'a déjà fait avec d'autres joueurs. Quand on fait une liste de 21 joueurs, c'est qu'on prépare deux matches. Je suis obligé de prévoir qu'il y aura un autre match et qu'il faudra aussi le gagner. Face à la Suisse, Réveillère est une possibilité mais il y en a d'autres. Et s'il y a un blessé côté droit, j'ai d'autres solutions. Vous appréhendez les matches de ce week-end et les éventuelles blessures ? R.D. : C'est quelque chose que je ne connaissais pas encore. Maintenant, quand je vais dans un stade, je ne vais plus voir un match de foot. Je vais m'installer en me disant : "Pourvu qu'il n'y en ait pas un qui se blesse". Je regarde ceux à qui je pense et je vis dans cette angoisse. A la limite, je suis content quand l'entraîneur les sort et qu'ils sont indemnes. Je suis plus dans ce registre. Et c'est nouveau de vivre avec cette angoisse. Mais on sait que ça fait partie des inconvénients d'une sélection. Comment abordez-vous ces deux rendez-vous face à la Suisse et Chypre ? R.D. : Je sens les gens un peu trop optimistes. Mais comme on était un peu trop pessimistes avant, on va peut-être finir par trouver un équilibre. Tout autour de moi, j'ai l'impression que c'est déjà fait. Ça y est, on est qualifié. Mais c'est une grossière erreur. Les Suisses peuvent être performants. Chez eux, ce ne sera pas facile. Il va falloir gagner là-bas pour être sûr de continuer à dépendre complètement de nous. C'est important de garder cet état d'esprit et ne pas tomber dans la facilité. On a l'impression qu'on a fait le plus dur en Irlande. Mais le plus dur, ce sera en Suisse. Comment vivez-vous cette dernière ligne droite ? R.D. : J'aimerais déjà être au match. Les jours qui le précèdent, l'attente et tout ça, c'est fatiguant. C'est usant. On veut être vite dans le match pour savoir. C'est un poste qui n'est pas de tout repos. Tous ceux qui l'ont vécu le savent. Il n'y a pas de temps morts. On ne souffle jamais. Il faut être sur ses gardes en permanence à tous les niveaux. Mais c'est ce qui fait le charme du métier. Sinon, j'irais à la pêche ! Vous évoquez souvent le souvenir de l'élimination de l'équipe de France en 1993... R.D. : C'est mon discours. Mais on le sait, chaque match est décisif depuis le mois d'août. On n'a pas le droit au faux pas. Il faut être concentré uniquement sur le match de la Suisse. Il ne faut se préoccuper que de ça. C'est celui là qu'il faut jouer et pas ceux d'après. J'ai trop en mémoire octobre et novembre 1993, où il suffisait d'un point à domicile pour aller aux Etats-Unis. En avez-vous discuté avec Gérard Houllier, le sélectionneur de l'époque ? R.D. : Oui, on en a beaucoup parlé. Pas récemment, mais à l'époque. J'étais à la DTN, on l'a tous très mal vécu. Je sais ce qu'on ressent quand on rentre dans un vestiaire et que toutes les illusions se sont envolées. Je n'ai pas envie de revivre cette situation. |